Il existe de faux "Vuitton", de fausses "Rolex" ... mais, au niveau mondial, le marché de la contrefaçon des médicaments est un énorme marché (le second marché de contrefaçon, après les produits de luxe ...). ATTENTION: le risque n'est pas seulement douanier, c'est votre santé qui peut être en danger !
Devant le risque très important d'arrivée de produits contrefaits, de produits toxiques, de produits inefficaces par le biais d'internet, je me permets de mettre en ligne un article paru dans la presse: "les Nouvelles Pharmaceutiques" d'octobre 2005.
Un Rappel
En France, aucun pharmacien ne peut acheter, ni se réapprovisionner, sans s'identifier auprès d'un répartiteur, d'un distributeur ou d'un fabricant. Chacune de ces entreprises, considérées comme établissements pharmaceutiques, fait dialoguer entre eux des pharmaciens diplômés identifiés. Par ailleurs la réglementation sur les prix, la traçabilité des lots et les conditions de délivrance sur ordonnance médicale au patient ne rendent pas notre pays particulièrement attractif aux mafias du faux médicament !
Mais la vente sur internet, toute interdite qu'elle soit, est menaçante ...
Contrefaçons de médicaments
L'Europe veut endiguer la vague montante
Si la situation européenne est encore loin de celle des États-Unis où le taux de contrefaçon de médicaments est évalué à 10 % du marché, le Conseil de l'Europe se préoccupe de la multiplication des cas sur notre continent. Des pistes ont été débattues lors d'un séminaire organisé à Strasbourg en présence d'institutionnels et de professionnels de santé des différents pays européens.
Faut-il s'inquiéter du développement des contrefaçons de médicaments en Europe ?
Sans aucun doute, ont unanimement déclaré les participants du séminaire organisé du 21 au 23 septembre par le Conseil de l'Europe. Ce marché qui touche tous les médicaments - génériques, médicaments de marque, vétérinaires -, se développe très vite et menace la santé des consommateurs européens. Autant de raisons qui incitent les autorités à mettre en œuvre rapidement des moyens et des conditions pour contrecarrer les velléités des contrefacteurs. Très développée sur le marché américain où il existe différents types d'opérateurs, la vente sur Internet a souvent été montrée du doigt. Certains pays comme la Suisse n'ont d'ailleurs pas hésité à mettre en garde le grand public avec des messages forts: « Acheter des médicaments sur Internet. c'est compromettre sa santé ! »
Une situation inquiétante
Concrètement, la situation européenne reste difficile à évaluer car il existe peu d'études sur le sujet. Cependant, des exemples concrets commencent à remonter des différents États. Ainsi, en Suisse, deux cas de commerce illégal d'une valeur de 15 millions d'euros chacun ont été identifiés. Dans le premier cas, les contrefaçons avaient été introduites dans le circuit légal par l'intermédiaire d'un grossiste suisse et, dans le second cas, un arrivage important de
traitements contre le VIH-SIDA - en provenance d'Afrique et destiné au marché européen - a été bloqué par les douanes. En Angleterre, une étude réalisée en 2004 a évalué à 44 % le taux de Viagra@ contrefait sur Internet. Le médicament vétérinaire n'est pas épargné. En Irlande du Nord, des « faux » antibiotiques vétérinaires (Excenel®) et antihelminthiques (Noromectin®) ont été identifiés.
Dans notre pays, les cas recensés n'ont pour l'instant concerné que des médicaments - Viagra@ notamment - en transit ou distribués par des canaux non autorisés.
Globalement, au niveau européen, les cas semblent encore sporadiques ou liés à des circuits particuliers: clubs de sport (anabolisants) ou hormones pour transsexuels, etc. Cependant, selon les constats dressés par les douanes, les quantités interceptées par les douanes européennes ont augmenté de 43 % entre 2003 et 2004, passant de 548000 produits prélevés à 788000 !
Au-delà de ces constats dressés sur le terrain, un lien est établi entre contrefacteurs et réseaux terroristes ou mafieux, soit pour le financement de leurs actions, soit pour le blanchiment d'argent. De leur côté, les contrefacteurs améliorent leurs techniques pour déjouer les douanes. Les médicaments ne sont plus envoyés sous forme finale, mais en kit : les blisters dans un premier envoi, les comprimés ensuite et enfin les emballages secondaires pour assurer le conditionnement. Ces différents éléments étant assemblés dans un pays d'Europe.
Mettre en place des moyens de lutte
Face à la diversité des opérateurs et les origines éloignées des produits contrefaits (le Pakistan, la Chine et l'Inde sont les plus souvent cités), le Conseil de l'Europe a souligné la nécessité d'une coopération entre tous les États membres, l'industrie, les professionnels de la santé et les associations de patients, les institutions de l'Union européenne et les organisations internationales. Les contrefaçons constituent certes une atteinte aux droits de la propriété intellectuelle, mais surtout une possible atteinte à la santé.
La législation actuelle est apparue peu dissuasive, les contrefacteurs ne pouvant être poursuivis que pour infraction à la réglementation sur les marques. « 1 kg de médicament est parfois plus intéressant et moins risqué que 1 kg de cocaïne ou autre stupéfiant », a souligné un intervenant. La mise en danger de la vie d'autrui pourrait être l'une des notions à introduire dans les réglementations pour alourdir les sanctions éventuelles.
Pour s'assurer de la qualité du circuit de distribution, la traçabilité semble plus que jamais nécessaire. Qui fait quoi et dans quelles mains sont passés les médicaments ? Ces questions doivent avoir des réponses systématiques, ce qui nécessitera le développement d'outils spécifiques.
Autre aspect essentiel de la lutte contre les contrefaçons: la coordination. L'élément central pourrait être constitué par les agences du médicament des différents pays qui assureraient le lien avec les douanes, les ministères concernés, les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques. Sans oublier l'implication nécessaire des systèmes de pharmacovigilance qui sont à même de détecter d'éventuelles contrefaçons. En Grande-Bretagne, par exemple, un cas de contrefaçon de Cialis® a pu être identifié grâce aux déclarations du patient s'étonnant de «l'effritement» inhabituel des comprimés, déclaration qui était remontée aux services de pharmacovigilance.
Enfin, la mise en place de programmes de formation des différents acteurs devrait être un moyen de mieux dépister les contrefaçons et prévenir les risques pour la santé des concitoyens.
La structuration du réseau européen de la distribution du médicament en Europe a jusqu'à aujourd'hui freiné l'entrée des contrefaçons. Il faut cependant veiller à ne pas déréglementer les marchés d'autant que l'élargissement récent de l'Europe impose de recréer un niveau élevé de sécurité au sein de la chaîne pharmaceutique. La lutte contre la contrefaçon passe également par les pharmaciens, qui sont et doivent demeurer un réseau sûr pour les patients. En tant que spécialistes du médicament, ils seront également en première ligne s'il advenait qu'un jour une contrefaçon de médicaments soit découverte dans le circuit pharmaceutique, en particulier pour expliquer et rassurer les patients.
Les risques d'Internet pour les patients
Lors du séminaire organisé par le Conseil de l'Europe, Jean Parrot est intervenu en tant que président de la FIP (Fédération internationale pharmaceutique). Voici quelques extraits de son intervention:
« Internet a permis l'extension de la vente à distance des médicaments en offrant une plate-forme mondiale de commande par voie électronique. Pratiquement, tous les médicaments peuvent être commandés sur Internet. En dehors des pharmacies en ligne dûment autorisées à pratiquer la vente à distance dans les pays où ces activités ont été encadrées, les autres offres relèvent plutôt d'activités purement commerciales et souvent frauduleuses, quand elles ne constituent pas un moyen d'écouler les contrefaçons de médicaments produites par l'entreprise. Les patients, très sollicités par des publicités de toute nature, s'exposent à recevoir des médicament contrefaits, périmés, altérés par des conditions de transports, ou encore non identifiables par l'absence d'emballage approprié. Ils s'exposent également à la non-livraison des médicaments commandés. Les offres illicites côtoient les offres licites, rendant difficiles pour les utilisateurs l'identification des services dûment habilités. A cela s'ajoute une forte hétérogénéité des réglementations en matière de vente à distance de médicaments d'un pays à l'autre. Les autorités et associations professionnelles développent quant à elles des actions d'éducation du public (chartes, recommandations, guides, labels...) visant à avertir les cyberconsommateurs des risques encourus par la commande de médicaments sur Internet et à les orienter vers des sites autorisés, quand les pharmacies en ligne sont autorisées dans le pays. La Fédération internationale pharmaceutique encourage, pour sa part, les organisations professionnelles nationales à agir massivement auprès du public en ce sens. Elle recommande également l'élaboration d'un environnement réglementaire qui encadre l'activité des e-pharmacies avec le même niveau d'exigence que pour les pharmacies physiques tant au niveau de leurs approvisionnements qu'en matière d'inspection, d'enregistrement, de labellisation et de contrôle».
Le Tribunal de Grande Instance de Colmar a rendu, le 21 janvier 2010, son jugement sur l'affaire qui opposait le groupe E.LECLERC aux pharmaciens. L'enseigne a été lourdement sanctionnée pour ses publicités dénigrant les pharmaciens sous de fallacieux prétextes de défense de l'intérêt général du consommateur. Le groupe E.LECLERC a reçu l'interdiction de faire de la communication publicitaire pour promouvoir ses produits, son domaine d'activité ou son objet social, en utilisant une référence au prix des médicaments distribués en officine, sous peine de payer une amende de 10.000¤ par infraction constatée. Par ailleurs, E.LECLERC doit modifier son site Internet www.sesoignermoinscher.com et verser, à titre de dommages et intérêts, 30.000¤ à Univers Pharmacie, DirectLabo et l'UDGPO qui ont intenté ce procès.
Source : TGI de Colmar, 21 janvier 2010